Honte à vous !
Continuez ! Jean Tourette, Auteur
La Demeure du Chaos dérange, indiscutablement. Mais sa destruction ne changera rien. Car l’œuvre est en marche constante, et surpasse la noirceur ostensible de ses tours. Plus loin qu’un phénomène perceptible, venant heurter le sens esthétique de ses détracteurs, c’est un concept. Vivant. Un processus dont le terme n’est pas limité à une enceinte visible, qui attire et repousse. Ce Livre des Pétitions fait partie de la Demeure, conçue comme œuvre intégrale. C’est un manifeste. Les mots tracés au fil de ces pages ne viennent pas simplement plaider contre des décisions d’urbanistes. Ils cherchent à défendre une des qualités essentielles de l’art, si ce n’est la plus importante : sa capacité à questionner son temps.
Quand la définition de l’art appartient à quelques commissaires et leurs cartels de plomb, il n’est que petite incidence. Mesurée, bien agencée dans son espace d’expression, affichant ce qu’elle peut de fausse provocation pour masquer la bienséance, l’œuvre est inerte. Dans les limites du goût imposé, qu’il soit bon ou mauvais, retranchée, décorative, elle n’interroge plus. Elle ne reflète rien. La volonté créatrice est alors sous scellés. Mais l’imprévisible suggère quelques petites contrariétés. La peur de l’étrange, là où les pas sont moins sûrs. Quand la grille n’est pas posée et le schéma encore incertain. La conscience est inconfortée. Il lui faut des repères. Pourtant, c’est cette navigation dans l’inconnu qui crée le décalage des expérience courantes. Une curiosité qui conditionne encore la force de s’étonner. La possibilité du rêve. L’imagination suffisante pour donner corps à l’esquisse, matérialiser la suggestion et concrétiser l’idée. Créer.
Au-delà de ces codes courants, hors de son champ prémédité, l’art peut indisposer. Mais lorsqu’il n’étonne plus, il se dévitalise. Les pages qui suivent défendent l’œuvre d’art comme entité agissante. La création artistique ne se limite pas à la fabrication d’artefacts. Elle réside dans la capacité à insuffler à l’œuvre une force autonome, une énergie libérée des contingences pour qu’elle puisse produire un effet. Mais les œuvres ne peuvent se défendre seules. Que ce soit par son dépassement anachronique du réel ou au contraire son excès de réalité contemporaine, la Demeure du Chaos ouvre les yeux. Sublimation ou catharsis, expression de révolte anti conformiste, délivrance de l’avant-garde, miroir d’un 31