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Musée Guggenheim Octobre 1997 Bilbao Frank Gehry

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Opera House Octobre 1973 Sydney Jorn Utzon

Dame de Paris, l’architecte était le maître de l’oeuvre. Aujourd’hui, ce sont les ingénieurs et les entreprises du bâtiment qui détiennent le pouvoir. Je cherche donc des moyens de prendre plus de responsabilités. Comment faites-vous ? Grâce à l’informatique. Je travaille depuis vingt ans avec le logiciel de conception Catia, mis au point par Dassault Systèmes pour l’aéronautique. C’est grâce à lui que j’ai pu concevoir les courbes du musée Guggenheim de Bilbao. Et, contrairement à ce que tout le monde pense, elles n’ont pas coûté plus cher que des angles droits. Mais j’utilise l’informatique uniquement comme un support technique. Je fabrique des maquettes pour chacun de mes projets. Je déteste les images

Les architectes sont souvent jugés mégalos, déconnectés des réalités sociales et proches des politiques. Avez-vous le sentiment de faire partie d’une profession incomprise ? Je ne me sens pas mégalomane. Je ne pense pas l’être. Les médias utilisent des expressions, comme «starchitectes», qui n’ont rien à voir avec la réalité. Bien sûr, certains, parfois, le deviennent, comme ça arrive aux jeunes stars de cinéma. Pour durer, il faut savoir résister à la pression. L’avantage avec l’architecture, c’est qu’il faut attendre d’avoir près de 60 ans pour être vraiment pris au sérieux. A ce stade de sa vie, on est beaucoup moins influençable. Vous êtes né Ephraïm Owen Goldberg. Pourquoi avez-vous changé de nom ?

Ma première femme est tombée enceinte à cette époque. Elle était très inquiète de mettre un enfant au monde dans cette psychose. C’est elle qui m’a demandé de changer de nom. Je ne voulais pas. Cela rendait mon père furieux. J’ai finalement cédé, mais seulement après avoir été diplômé. Jusqu’au dernier jour de l’école, je suis resté Goldberg. Je suis devenu Gehry quand j’ai démarré ma carrière professionnelle. C’est un épisode de ma vie que je n’ai jamais caché. Même si, aujourd’hui, je le regrette. Pour ce qui est de mon prénom, j’ai toujours été appelé Frank. Ephraïm est mon nom de baptême israélien. On a dû m’appeler ainsi uniquement le jour de ma barmitsva ! J’ai gardé le O d’Owen,

d’ordinateur : elles nuisent à l’inspiration. Aujourd’hui, les jeunes se servent, à tort, des logiciels pour dessiner. Mais il est rare qu’un Michel-Ange ou qu’un Le Corbusier soient devant la machine.

J’ai fait mes études à l’université de Californie du Sud, à Los Angeles, en plein maccarthysme. Une période où l’antisémitisme était très répandu. J’ai été exclu de certains cours par d’autres étudiants parce que j’étais juif.

car j’aimais bien les initiales FOG [ brouillard, en anglais ]. Et comment devient-on Frank O. Gehry ? Alors là… Je ne sais pas. Je dis toujours à mes étudiants que ma signature reflète


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