Grande rue

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GRAND’ RUE



GRAND’ RUE


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TEXTES Falone Conte Emmanuel Marino Bruno

DESSINS Colin Geraldine

PHOTOGRAPHIES (par ordre alphabétique)

Jean-Marc Abélard Barnabas Dieudonné Yves Osner Dorvil Fabienne Douce Junior Jovin Reginald Louissaint Junior Milo Milfort Georges Harry Rouzier Estailove Saint-Val



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YVES OSNER DORVIL sur le transport


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GEORGES HARRY ROUZIER sur l’urbanisme


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FA B I E N N E D O U C E sur la vie de quartier


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BARNABAS DIEUDONNÉ sur l’eau et l’assainissement


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MILO MILFORT sur les enfants de rue


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JEAN-MARC ABÉLARD sur les marchés


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E S TA I L O V E S A I N T- VA L sur les mĂŠtiers


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JUNIOR JOVIN sur la réligion


portraits

REGINALD LOUISSAINT JUNIOR



P R É FA C E par Michèle Duvivier Pierre-Louis, Présidente - FOKAL

Neuf jeunes photographes se saisissent de la ville. De sa Grand’Rue. Dans ses humeurs, ses laideurs, ses paradoxes. Dans sa beauté aussi, celle qui surgit dans l’indicible même et se révèle dans sa pureté là où on ne l’attend pas. Comme pour dire qu’en un clin d’œil, un « arrêt sur image » peut provoquer un ébranlement esthétique, annulant des déjà-vus, et porter loin l’émotion. Neuf jeunes photographes partis à la conquête de la principale artère de la capitale, dans ses recoins, ses corridors, ses mouvements, ses bruits et ses emballements quotidiens. Déployant une grammaire visuelle qui décline ses codes en délimitant des tranches de temps saisies à l’envolée, ils et elles nous livrent ainsi des morceaux de vie et des lambeaux de ville mis en lumière par une étonnante magie du regard. Pas de sujets proprement lyriques dans ces images qui défilent sous nos yeux et qui nous font connaître la trame urbaine de Port-au-Prince telle qu’elle se noue et se dénoue au fil des jours. Peut-être pour que nous puissions dire non ! Pour crier à l’inacceptable. Mais dans ce refus même de ce monde tel qu’il apparaît, nu dans ses dérèglements, comment ne pas s’attarder en même temps sur ce jeune homme dont le regard poignant se perd dans le rayon lumineux de la lucarne d’un taptap. Ou encore sur le sourire de cette jeune fille en rose debout dans l’embrasure de son taudis délabré, incarnation d’un sens esthétique qui dévoile une humanité toujours présente, toujours fragile. La photographie est dit-on un art à la fois élégiaque et crépusculaire. Les photos de cet album semblent vouloir en être un émouvant témoignage. Nos photographes ont chacun choisi leur champ d’action respectif. Transports publics, urbanisme, vie des quartiers, eau et assainissement, enfants des rues, métiers, religion, portraits. Les images parlent, disent, crient, révélant au passage la sensibilité de celui ou celle qui a su capter un instant d’éternité. Dans le capharnaüm de notre vieille ville, tout bouge. On vend, on joue, on marche, on court, on prie, on tue, on crée, on roule, on dort, on lit, on meurt, on rêve. On vit quoi ! Et on nous invite à voir, à regarder, à s’indigner sans doute, mais aussi à découvrir le talent de ces jeunes pour cet art qui comme tout autre allie technique, éthique et esthétique. Des textes et dessins disent et tracent aussi ici des sensibilités toutes différentes, dans un rapport étroit de résonnance avec les images et le souci de faire émerger dans le domaine du journalisme une combinaison constructive de métiers qui se complètent : photographie, écriture, dessin, design. Beau travail en vérité qui mérite d’être chaleureusement salué.



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MARCHÉ HYPPOLITE par Falonne Conte

Autour de ce mélange d’histoire et de passion, des vies fascinantes se rattachent aux enceintes du marché Hyppolite. Aussi artistique et extravagant qu’il puisse paraître, aussi nombreux sont ceux qui attendent de lui au quotidien, une miette de survie. A proximité, dans son enceinte cohabitent des vendeurs et vendeuses courageusement débrouillards, guettant inlassablement les bontés du quotidien. Mère et père d’un ou plusieurs enfants à nourrir, payant l’écolage et le loyer, leurs journées typiques se déroulent tantôt dans les nuages méditant leurs soucis, tantôt un rire éclair entre commères et compères ou tantôt un sourire avenant faisant la causerie aux potentiels clients. De parts et d’autres des périmètres de ce monument se disposent des sections à la fois différentes les unes des autres, mais aussi complémentaires. Une section remplie de produits alimentaires pour le maintien du corps d’une grande partie de la population, une autre garnie de cosmétiques pour la beauté de plus d’un. Les sections artisanales jonglent des couleurs frappantes alors que des objets mystiques répandent l’odeur perçante ou atténuante des recettes magiques à l’haïtienne. Dans ses entrailles, comme une mère, le marché accueille des vies somnolentes courbées par les défis de la vie et désireuses d’être reproduites pour le meilleur. Malgré les coups marquants de la vie, comme l’incendie de mai 2008, elles restent confiantes d’un jour nouveau. Face à cette épée de Damoclès, chacun façonne sa vie.


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SARAH par Falonne Conte

Sarah Pierre est très jeune, elle mène pourtant sa vie. Agée de onze ans à peine, elle n’a jamais mis les pieds à l’école. Déjà au grand matin de sa vie, ses obligations pèsent considérablement lourd. Enfant elle aussi, elle est la nourrice de sa jeune sœur de quatre ans. Elle s’emploie quotidiennement à la nourrir, lui donner son bain, la surveiller et tout le reste. Elle n’a jamais connu son père. Sa mère avec qui elle vit, part tôt le matin pour vaquer à ses activités et ne rentre qu’a la tombée de la nuit afin de subvenir aux besoins de la famille. Comme une adulte, Sarah s’occupe aussi de la maison en y faisant le ménage et la nourriture. Durant la journée, elle est pas mal occupée avec ses tâches domestiques. En conséquence, elle n’a nullement le temps de jouer ou de se délasser d’une quelconque manière. Au retour de sa mère le soir, elle gagne une certaine liberté. Cependant, elle est trop fatiguée pour penser à autre chose que le sommeil. Babysitter ! Enfant-adulte ! Enfant-mère ! Quel nom peut-on donner à Sarah ? On y arrivera peut-être, mais une chose est sûr, elle ne connaîtra jamais ce que les autres de son âge connaissent à onze ans.




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DES OUBLIÉS DE LA CONSTITUTION par Emmanuel Marino Bruno

Vous qui, chaque nuit, affrontez la dure épreuve du froid transperçant, de mille flèches, votre corps déjà meurtri par les péripéties de la vie, Vous qui êtes piétinés depuis des ans par une constitution haïtienne bafouée, Vous qui dormez, tous les soirs, à même le sol sur la place de la constitution sans rien à mettre sous les dents, En toute innocence, vous trainez encore solitaires mais, courageux votre lot de misère dû à l’abandon de vos parents démissionnaires, Les hommes de loi, panégyristes du droit des enfants à un bien être, ne vous ont-ils jamais vus, tout en lambeaux et en larmes aux abords du Champs de Mars ou sur la place de la constitution ? Dans ce bassin d’eau insalubre dans lequel vous tentez de vous donner un air de fraîcheur en apparence, ne vous ont-ils même pas jeté une œillade ? Mendiants, laveurs de voitures, portefaix, vous errez au quotidien, à votre âge fragile, dans les rues en quête d’un petit pain pour apaiser votre ventre écrasé par la faim continuelle, au milieu des tentations indécentes, lourdes à supporter, En ce 21ème siècle, vous subissez encore des violences quotidiennes à travers les rues par ceux-là mêmes qui devraient vous protéger et servir, Gifles, coups de pieds et de pistolets s’abattent, sur votre corps famélique et débile, En 2014, vous me crachiez encore vos amères désillusions vis-à-vis des centres d’accueil et de l’Etat, tous faillis à leur mission de sauvetage.


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YVES OSNER DORVIL

GEORGES HARRY ROUZIER

FA B I E N N E DOUCE

BARNABAS DIEUDONNÉ

Né en 1981, il fait des photos depuis son plus jeune âge. Depuis le séisme, il s’est attelé plus intensément à cette passion. Il suit les ateliers de FOKAL et publie régulièrement dans les médias culturels de la capitale et notamment tipiti.biz

Architecte-photographe, il est né à Port-au-Prince où il vit encore. Il a étudié l’architecture et son amour de l’art et son désir de proposer une vision personnelle du monde l’ont motivé à se consacrer pleinement à la photographie.

Née en 1984, elle s’intéresse à la photographie qu’elle appréhende via le travail en studio, pour ensuite sortir de ces murs et se forger la main sur le terrain du photoreportage. Elle suit la plupart des ateliers de FOKAL où elle a travaillé en tant que photographe. Elle a publié dans la presse haïtienne mais également étrangère (La Presse, Libération, Alternatives théâtrales).

Communicateur social et juriste spécialiste en droits fondamentaux, il est un passionné de photographie. Il veut, via cette dernière, poser les problèmes de la société haïtienne, particulièrement ceux qui ont rapport aux droits de la personne. Il a suivi les ateliers de FOKAL et poursuit actuellement ses études à Montréal.

ghrouzier@gmail.com

yodorvil@gmail.com Pages : 07, 19, 23, 28, 29, 36, 71, 108, 110, 112, 113, 114

Pages : Couverture, 02, 03, 08, 27, 69, 70, 73, 75, 104, 107, 109, 134, Arrière de couverture

dieudonnebarnabas@ yahoo.fr

Fabdou10@gmail.com Pages : 09, 22, 26, 31, 32, 33, 61, 65, 67, 68, 80, 81, 82, 83, 116, 118, 119, 123, 124, 125

Pages : 10, 25, 30, 60, 62, 63, 64, 66, 111, 115, 117


MILO MILFORT

JEAN-MARC ABÉLARD

E S TA I L O V E S A I N T- VA L

JUNIOR JOVIN

Journaliste web, il réalise des investigations à Ayiti Kale Je, partenariat médiatique entre l’agence en ligne Alterpresse, les radios communautaires haïtiennes et leurs réseaux ainsi que les étudiants de la faculté des sciences humaines de l’université d’État (UEH).

Après de études universitaires en science diplomatique, il bascule vers la photographie et particulièrement le photojournalisme. Depuis 3 ans, il dirige la section multimédia du quotidien Le Nouvelliste. Il a également publié à l’international, pour Associated Press, France 24, Washington Post, Radio Canada, Le Floridien, le site Yahoo.

Preneur de cliché depuis l’enfance, il commence à faire des photos professionnelles dans les mariages. Il s’inscrit ensuite au CEPEC (académie de photographie) et suit les ateliers de photojournalisme à FOKAL. Ses photos sont régulièrement publiées dans le quotidien Le Nouvelliste.

Jeune cinéaste haïtien diplômé du Ciné Institute, il est passionné de photographie. Précédemment responsable de la section « Média » à l’Opération Blessing, il est maintenant photographe indépendant ; il travaille pour l’Academy For Peace and Justice et le Ciné Service de Cine Institute.

milforthaiti@ yahoo.com Pages : 11, 34, 87, 89, 90, 92

jmarcabelard@yahoo.fr Pages : 12, 20, 21, 37, 38, 39, 40, 43, 99, 100, 101

Vush09@yahoo.fr

Jovinec109@yahoo.com Pages : 13, 24, 44, 45, 93, 94, 96, 97

Pages : 14, 46, 47, 48, 50, 51, 53, 54, 56, 76

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REGINALD LOUISSAINT JUNIOR

EMMANUEL MARINO BRUNO

FA L O N E CONTE

COLIN GERALDINE

Passionné d’images, il fait ses débuts dans la photographie en 2010. Elle devient alors sa passion et son métier. Attiré par le portrait, il rêve de faire carrière et d’exposer ses travaux à travers le monde.

Certifié en philosophie et en communication sociale, il est journaliste à l’agence en ligne AlterPresse depuis août 2011, après avoir enseigné les sciences sociales et la communication. Il participe à des travaux d’investigation via Ayiti Kale Je et anime une émission radiophonique sur la vie dans les quartiers populaires.

Étudiante finissante en communication sociale à la faculté des sciences humaines de l’université d’État d’Haïti, elle a collaboré au projet d’enquêtes journalistiques Ayiti Kale Je.

Née à Port-au-Prince le 12 février 1988, elle est plasticienne, spécialisée en dessin et peinture. Passionnée par le réalisme, son travail tend vers une représentation crue de la réalité de la vie quotidienne, l’expression des êtres.

raygig8@yahoo.fr Pages : 15, 49, 55, 57, 74, 77, 79, 85, 86, 88, 95, 105, 121, 122

Brumarino29@ gmail.com Pages : 91

fallconte@yahoo.fr Pages : 42, 84

colin_geraldine@ yahoo.fr Pages : 35, 58, 59, 102, 103, 128, 129


Editeur responsable : FOKAL Workshop et Publication coordonnés par Chiqui García (Graphiste), Maude Malengrez (Fokal) et Gaël Turine (Photographe), Port-au-Prince & Bruxelles 2014. Impression : Group Impresor Ariane Papier : Munken Polar 300 g/m2 (couverture) Munken Polar 150 g/m2 (pages intérieures). Dépôt légal : 14-10-465 ISBN : 978-99970-4-298-9


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Cette publication est le fruit d’un travail réalisé autour d’un atelier qui a réuni neuf photographes, une dessinatrice et deux rédacteurs en novembre 2013 à Port-au-Prince, encadrés par le photographe Gaël Turine et la graphiste Chiquinquirá García. Organisé par FOKAL dans le cadre de son appui au développement du photojournalisme, cet atelier a bénéficié de l’appui du Fonds EWA de Wallonie Bruxelles International.

konesans ak libète connaissance et liberté



Dépôt légal : 14-10-465 ISBN : 978-99970-4-298-9 Prix : 500 HTG - 11 USD


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