Babybook Enfant - Nº5 - Automne / Hiver 2011/2012

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ON EN DéBAT

D’une langue à l’autre

Bilinguisme: un petit tour de la question Tamoul, allemand, serbo-croate, chinois, anglais, albanais, russe, brésilien, thaï, espagnol, italien, portugais, arabe, turque et bien d’autres encore: dans la rue, à la place de jeu ou en attendant à la sortie de l’école, on ne peut que constater que les petits Romands baragouinent une infinité de langues en famille. Une étude récente révèle qu’à Genève 42% des élèves ne sont pas de langue maternelle française… La quasi-totalité d’entre eux suit par ailleurs une scolarité en français et pratique chaque jour cette langue avec les copains, les voisins ou au club de sport. Autant de bilingues précoces ou en voie de le devenir.

N

Notre coin de pays reflète en ceci l’état de la planète puisque plus de la moitié de la population mondiale utilise deux langues au quotidien. Autrement dit, être bilingue aujourd’hui est la norme et non plus l’exception. Pourtant, le bilinguisme souffre encore de préjugés. Nous n’en sommes certes plus au temps où l’on pensait qu’il pouvait engendrer des dédoublements de personnalités, mais quelques idées reçues ont la vie dure: l’enfant bilingue apprendrait moins rapidement à parler; il parlerait deux langues mais aucune vraiment correctement; il mélangerait les langues lorsqu’il s’exprime; il risquerait davantage de développer des troubles du langage comme la dyslexie ou encore il serait exposé à une «surcharge cognitive». Petit tour de la question avec l’aide du Professeur François Grosjean. Dans le canton du Jura, cette dernière rentrée scolaire a vu s’ouvrir des classes enfantines bilingues, où les petits de 4 à 5 ans sont mis en situation d’immersion. L’initiative a rencontré un tel succès que des inscriptions

ont dû être refusées. Près de Nyon, c’est une école carrément trilingue qui a ouvert ses portes: elle offre un enseignement dispensé en français, allemand et anglais dès la première primaire. Certes, ce type de structures, qu’elles soient publiques ou privées, demeurent encore faiblement développées, mais la tendance est là: parler deux, voire trois langues a plus que jamais la cote. Qui oserait contester que cela constitue aujourd’hui - et sans doute encore plus demain - un avantage indéniable en termes de perspectives professionnelles, de mobilité géographique, de possibilités d’échanges avec autrui et d’accès à l’information?

« Tout le monde semble d’accord sur un point: le petit enfant a une fabuleuse capacité à s’approprier spontanément les langues. » Or, au-delà des controverses qu’il y a pu y avoir sur le sujet, tout le monde semble d’accord sur un point: le petit enfant a une fabuleuse capacité à s’approprier spontanément les langues. Pourquoi pas dès lors ne pas tout mettre en œuvre pour en profiter en favorisant un bilinguisme, voire un plurilinguisme précoce.

Papa parle une langue, maman en parle une autre, ou alors la famille est établie dans un lieu géographique où une langue différente est parlée. Ou encore la famille est monolingue mais les parents souhaitent faire profiter leur enfant des structures scolaires et préscolaires permettant l’enseignement précoce en immersion. Autant de situations différentes, mais des parents qui ont tous en commun le souci de ne pas commettre d’erreur et de doter leur enfant des meilleures chances. Alors, est-il souhaitable ou non qu’un enfant soit exposé tôt à plus d’une seule langue?

D’un extrême à l’autre La controverse ne date pas d’aujourd’hui et différentes conceptions de la chose se sont succédé au fil du temps, comme le souligne François Grosjean. ll y a eu une période où les bilingues semblaient cumuler toutes les tares. Puis une autre période où ceux-ci auraient au contraire été dotés de qualités exceptionnelles. Les études datant de la première partie du XXe siècle laissaient en effet apparaître que l’enfant bilingue rencontrait de grosses difficultés: QI inférieur et performances moindres que les monolingues dans les tests d’intelligence, verbale comme non verbale. La plupart des études de cette époque concluaient ainsi que le bilinguisme avait des effets négatifs sur le développement aussi .../

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