Arcotedazur N°12

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En Ville

CONTES

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M Bruno Mendonça : L’infini commence ici ! Bruno Mendonça, est multirécidiviste et pluridisciplinaire, pointilleux et global, analyste et artisan, performeur et observateur… bref une porte ouverte sur toutes les fenêtres ou plutôt sur toutes les bibliothèques imaginaires.

L'

artiste demeure un casse-tête pour l’étiqueteur, autant qu’un aliment pour le poète. Si ce champion d’échec est si complexe à enfermer dans une case, c’est que son art combinatoire se nourrit simultanément de toutes les disciplines (et pas seulement plastiques), c’est que ses interventions rendent au centuple à l’aléatoire ce qu’il y puise. Car pour l’artiste l’enjeu n’est pas la cible mais le geste de l’archer, l’intention. Son chantier c’est l’univers où il défriche des pistes nouvelles, qui s’ouvrent elles-même sur d’autres, le téléportant là où on ne l’attend pas, là où il ne s’attend pas ! Mendonça derrière son apparence effacée est-il doué d’ubiquité créative ?

Premières performances « Je suis né à Saint Omer. Ma mère est niçoise je suis arrivé à Nice à 7 ans. 7 ans plus tard en mai 68 j’assistais aux manifs à la fac de lettres. À 15 ans je faisais du théâtre en Irlande, dévorais Jung et Freud. J’ai appris à doubler mon potentiel très tôt ! ». La première pierre de cet édifice qui donne le vertige après 37 ans d’activités il avoue l’avoir posée à Menton : « Je jouais de la basse et écrivais des textes dans un groupe de rock » « Nuthach system » (casse noisette). Après un accident à moto, j’ai vendu tout mon matériel pour acheter de la peinture. Un an après je faisais ma première expo ». Et la performance, celui qui en a réalisé 40 sur la Côte - « À égalité avec Ben » il s’y initiera dès 1974 en immergeant des toiles au fond du lac de Saint Auban. Des toiles exposées ensuite à l’Art marginal. En 1977 encore à Saint-Jeannet Bruno travaille en aveugle pendant 76 heures au fond d’une grotte où il produira 15 toiles et 12 dessins. En Chine il sautera de plaques en plaques tectoniques avec dix mètres de vide en dessous : « Pas pour le danger, mais toujours pour pousser l’art contemporain dans des espaces vierges ! ».

À livres ouvert ! Car l’artiste est avide de nouveaux territoires et ne tient pas en place « Voyager me permet de confronter les différentes pratiques. C’est aussi lié à ma formation à Science po. J’ai eu envie de faire de l’art comme Claude Levi Strauss fit de l’ethnologie ». En travaillant en terrains inconnus l’imprévu dévoile les limites mais ouvre aussi des perspectives dont se nourrit ce bâtisseur d’aléatoire. « En fait j’ai voyagé dès l’âge de 1 an en avion puis en Enfant non accompagné pour les compétitions de judo et d’échec. Je draguais les hôtesses qui me donnaient des jouets et livres ». Est-ce cet émois ou celui qu’il éprouve en découvrant la bibliothèque de son grand-père riche d’ouvrages étrangers qui le poussera adulte à créer sa maison d’édition en 1981 puis des bibliothèques éphémères dont certaines présentées au CIAC de Carros en 2002 virent le jour tel l’igloo de Dictionnaires : « 5000 dictionnaires récupérés pour monter une coupole qui symbolise ces parties du monde que l’on méconnaît parce que nous n’avons pas accès à leurs cultures ». L’artiste amoureux des livres réalisera par ailleurs des livres avec des objets du quotidien. Un ready made célébrant par la métamorphose, le livre, une matière, sensible, vivante qu’il traite comme un élément organique. Il explorera également Langages et signes inventant 60 alphabets, usant des palindromes et autres jeux de mots à toutes fins utiles : « Je me sens très proche de l’Oulipo et du travail de George Perec. Je me défini comme écriteur, un fabricant de textes, de mots ». L’exposition « les métamorphoses de l’écriture » jusqu’au 24 juillet à Contes présente sur ce thème d’étonnants livres d’artistes réalisés de 1984 à 1987, un jeu de tarot sur la mémoire de Spada, un « Cortext » avec Yves Hayat etc. Elle donnera lieu aussi à une performance musicale car Bruno travailla aussi comme luthier à la fabrication d’instruments. Un outil pour un autre langage universel.

© H. Lagarde


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